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Jean-Marc Foussatl Guy-Franck Pellerin Eugenio Sanna
extrait : Passage
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Jean-Marc Foussat - Guy Frank Pellerin - Eugenio Sanna
Escales
FOU Records FR-CD 59
https://fourecords.com/FR-CD59.htm
https://fou-records.bandcamp.com/album/escale-2
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JEAN-MARC FOUSSAT / GUY-FRANK PELLERIN / EUGENIO SANNA
ESCALE
FOU RECORDS, FR-CD 59 - 2023
Guy-Frank Pellerin fait partie de ces musiciens qu'à force d'écoutes et d'échanges, on a l'impression de connaître un peu sans les avoir jamais rencontrés.
Après avoir croisé ses ténor et soprano près du percussionniste Mathieu Bec dans le superbe "Saxa Petra" de 2018, je l'avais retrouvé un an plus tard au sein du trio formé avec le violoniste Matthias Boss et le guitariste Eugenio Sanna pour l'enregistrement de "Water Reflexions".
En 2023, Jean-Marc Foussat l'invitait à passer "Les Beaux Jours" (1) sur son label Fou Records et voici qu'aujourd'hui, le duo convie Eugenio Sanna pour une "Escale" bienvenue dont l'objet ne consiste pas à révolutionner les fondamentaux de l'impro libre, mais à franchir ensemble certaines barrières musicales fichées entre la bienséance et l'audace d'une introspection collective dans laquelle il nous est permis de nous immiscer.
Ça prend son temps avant d'aborder !
S'il n'y avait ce léger bourdonnement au fond du paysage, les pas exigeants du souffleur fouleraient à eux seuls ce nouveau rivage signalé par l'écume de vagues légères.
Il ne faut pas moins de deux minutes trente pour que le guitariste intervienne, et encore ses accords murmurés sont-ils submergés par le chant de femmes entendues au loin.
Ces Robinson ne sont pas des conquistadores et la modestie commande à leur débarquement.
La faune, la végétation se manifestent à mesure qu'ils avancent et la mélodie sifflotée par le sax rencontre les échos du vivant.
Le dialogue s'engage, mais avec prudence.
La guitare est plus volubile, une fois passées les premières hésitations, mais demeure sotto voce.
Il n'est pas question de s'imposer dans ces terres inconnues et si la discussion s'enflamme, c'est que les visiteurs s'interrogent sur la légitimité de leur intrusion. Mais cela ne dure guère…
La notion de "bande-son pour un film imaginaire" évoquée dans la chronique de "Les Beaux Jours" (1) semble donc toujours d'actualité, même si le paysage est devenu plus discret et laisse aux coups de gueule et confessions la place nécessaire à une véritable circulation.
En tant qu'hôte, Jean-Marc Foussat connaît ses devoirs et, notamment, celui de laisser à ses invités le temps de s'exprimer.
Le décor s'avère donc plus impressionniste, ou plus fauviste par instants, traité par de longs à-plats chaleureux ou maintenu dans le mystère d'une suggestion plus conceptuelle.
Et lorsqu'il tient à participer aux discussions en cours, le machiniste emprunte la voix aussitôt identifiable d'un synthé susceptible de ciseler un phrasé ou d'une guimbarde modulant sa pensée à mesure qu'elle file dans les circuits imprimés.
Guy-Frank Pellerin et Eugenio Sanna participent eux-mêmes à l'émergence de l'environnement.
Si ni l'un ni l'autre ne renie les belles heures passées à cultiver les racines du free européen au sein de l'IACP pour le saxophoniste ou du CRIM pour le guitariste, ils savent également mettre leur virtuosité au service d'une abstraction atmosphérique dessinant les contours d'un imaginaire perceptible par chacun à l'aune de ses propres projections mentales.
Cinéma pour l'oreille mais aussi, et peut-être surtout, portrait d'un univers intérieur et pluriel ausculté avec une telle acuité que la moindre de ses manifestations se voit aussitôt exprimée en un langage unique et pourtant commun, cette musique est la preuve qu'un groupe constitué de personnalités attentives peut saisir le cœur vibrant du collectif et mettre à jour l'authenticité de chacun.
L'introspection au service du public, en somme !
Joël PAGIER
in Revue & Corrigée n° 140
(1) cf chronique in R&C n° 137