Cécile Cappozzo : piano   
Jean-Luc Cappozzo: trompette

 

 

 

extrait :

No More Tears

 

 

 

14 janvier 2016

Cécile & Jean-Luc Cappozzo - Soul Eyes

Les duos piano/trompette porte déjà en eux leur dose d'intimité. Cristal et cuivre, bois et souffle, il y a dans l'histoire de nos musiques de nombreux précédents, à commencer par Kenny Wheeler et John Taylor, deux tendres disparus dont nous parlions il y a peu.
C'est exactement ce que nous explique l'excellent texte de Bernard Aimé dans les notes de pochettes de Soul Eyes, la nouvelle sortie du label Fou Records de Jean-Marc Foussat qui réunit évidemment une pianiste et un trompettiste. L'attelage est inédit, du moins en disque : Cécile Cappozzo au piano et Jean-Luc Cappozzo à la trompette et au bugle. Une rencontre ? Pas vraiment.
Un surplus d'intimité.
Une relation père/fille exposé avec une lumière franche et chaleureuse sur un autre matériel patrimonial : les standards de jazz.
Et pas n'importe lesquels, puisqu'il s'agit de morceaux de Mingus et de Waldron ; deux élégants, deux intransigeants, deux fusionnels dont la route s'est croisé à la fin des années 50, notamment sur le Pithecanthropus Erectus dont notre duo reprend le morceau-titre dans une suite forte en émotion, lié au morceau « Soul Eyes », un des standards les plus pénétrants de Waldron, qu'on avait pu apprécié -entre autre- sur le crépusculaire One More Time en trio avec Avenel et Lacy du regretté label Sketch, au début de ce siècle.
Mais aussi, plus avant, avec Webster Young, trompettiste de génie.
Des musiques que le duo visite jusqu'à leur essence, les déconstruisant même avec espièglerie et une révérence assumée envers l'œuvre... Ce qui implique de ne pas lui donner un caractère immuable, et de se l'approprier pour le traduire dans un langage véhiculaire familier...
La liberté du discours est l'un des traits significatifs de la musique de Jean-Luc Cappozzo.
C'est manifestement génétiquement transmissible. A partir des morceaux choisis, père et fille construisent un discours connivent et tout à fait personnel qui est en tout point souriant.
On se souvient du duo du trompettiste avec Géraldine Keller sur Air Prints, et on retrouve ici le même sens du jeu, dans son acception la plus enfantine, à la fois rêveuse et inventive, colorée et turbulente...
Mais avec sa fille, la dimension est différente, on découvre ce plaisir du jeu ancien, qui va chercher ses racines si loin que s'en est très émouvant. Principalement l'association de trois titres, deux de Mingus et un de Waldron sur le premier morceau « No More Tears – Good Bye Pork Pie Hat – Nostalgia in Time Square ».
Il y a tout au long de ce long premier morceau des retours, des citations et des brisures qui s'unissent totalement pour former un tout bien vivant. On pourrait citer toute sorte de moments individuels, le souffle très oniriques des prémices et les notes parcimonieuses d'une pianiste qui sait saisir les émotions dans les tréfonds de la main gauche, l'ouverture lumineuse de « l'hymne » Pork Pie Hat par la trompette... Mais en réalité, ce qui compte c'est l'ensemble, l'intéraction, l'alliance qui fonctionne parfois à front renversé (fille sage, père fantasque) et souvent dans la bienveillance caressante d'une liberté offerte.
C'est une sacré carte blanche qui est proposé à la famille Cappozzo par Fou Records. On peut remercier de nous permettre d'entendre ce témoignage d'un instant complice qui a quelque chose d'universel. On ne peut que goûter ce petit plaisir qui donne le sourire.

Une fête.

Et une photo qui n'a strictement rien à voir... (n'est-ce-pas...)

13-Ayler-Reloaded

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Cécile & Jean-Luc Cappozzo : Soul Eyes (Fou, 2016)

cécile jean-luc cappozzo soul eyes

A l’écoute des petits princes dont on parle tant dans les revues sur papier glacé (pas obligé, me direz-vous) me vient la détestation de ce jazz dénaturé et sans âme faisant loi aujourd’hui. Les vessies ne seront jamais des lanternes, faut-il encore le préciser ? A l’écoute de Soul Eyes, la joie revient. Comme si rien ne s’était perdu. Comme si la fibre du désir avait enfin retrouvé son passage.

La cause de ce désir existe par la grâce d’un père (Jean-Luc Cappozzo) et d’une fille (Cécile Cappozzo), soudés par sagesse et profondeur. Soudés par ce vieux jazz qui bouge encore, ce vieux jazz qui n’a pas dit son dernier mot. Ce vieux jazz qui résiste. Ces deux-là habitent l’horizon, s’écoutent, se rejoignent, se récréent. Et c'est magnifique.Et aussi bouleversant.

Il y a le blues des origines, ici subtilement réactivé. On détecte aussi du Satie  (No More Tears). Normal, Mal Waldron ne l'a-t-il pas glorifié en son temps ? Car le répertoire de ce disque surfe entre les compositions du grand Mal et celles de Charles Mingus. Et cela se clame haut et fort. Pourquoi vouloir commenter / analyser ce qui est bouleversant ? The Seagulls of Kristiansund vient de s’inviter et je jette volontiers l’éponge.

soul eyes

Cécile & Jean-Luc Cappozzo : Soul Eyes
Fou Records
Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ No More Tears – Goodbye Pork Pie Hat – Nostalgia in Time Square 02/ Soul Eyes – Pithecanthropus Erectus 03/ The Seagulls of Kristiansund
Luc Bouquet © Le son du grisli

le son du grisli

Thursday, June 23, 2016

Cecile & Jean-Luc Cappozzo, Soul Eyes



Some avant jazz artists make a point of looking back from time to time to the rich history and roots of the music. Anthony Braxton of course is one, and then so is trumpetmaster Jean-Luc Cappozzo. He with his pianist partner Cecile Cappozzo take a lovingly lingering look at some Charles Mingus and Mal Waldron gems on the recent Soul Eyes (Fou Records FR-CD15). Mingus gets his due in versions of "Goodbye Pork Pie Hat," "Nostalgia in Times Square" and "Pithecathropus Erectus"; Waldron is remember with "No More Tears," "The Seagulls of Kristiansund" and perhaps his best known composition-song, the title cut "Soul Eyes."

Cecile puts forth a lean-to-lush, crisply modern piano style that evokes everyone from Monk to Ran Blake (and of course a gesture towards the pianisms of Mingus and Waldron) but does it in her own way. Jean-Luc brings in some of his special avant timbrality but then can be touchingly straightforward, as in his articulation of the "Pork Pie" melody line. Both are very much on their game.

The duo format allows plenty of loose flexibility which the two realize with a oneness that communicates readily and happily. And in the process the artistry of Cecile and Jean-Luc comes through with dedication and a sort of reverence to the masters that projects outwards with nice forays into the outer realms now and again, but can and does stay nicely within the changes of the songs as the spirit moves.

It is a beautiful set that manages to remind you how central these songs still are--and also how much improvisational room there still remains for the right artists to refresh the music.

These are some magical performances that just about any jazz enthusiast should respond to like I have. Bravo!
Labels: , ,

Soul Eyes Jean-Luc Capozzo et Cecile Capozzo FOU Records FR CD 15.


Le label FOU de Jean Marc Foussat nous livre ici un beau cadeau musical pour une superbe (re)lecture de compositions intemporelles de Mal Waldron et Charlie Mingus en forme de medley impromptu par le superbe trompettiste Jean-Luc Capozzo et sa fille Cécile, une pianiste sensible et enjouée. Cécile, très à l’aise avec les thèmes développés et explorés, crée une trame sur laquelle le paternel souffle de manière inspirée. Tous deux cherchent à étirer les possibilités enfouies au cœur du matériau musical mingusien et  waldronien. Les « dérapages » free sont fréquents et alternent avec des variations subtiles sur la mélodie et les accords  No More Tears enchaîne sur un Goodbye Pork Pie Hat extrapolé, disséqué qui lui même se dissout en blues dans lequel surnage les notes de Nostalgia in Time Square. Tout cela sur 24 minutes. Deuxième plage : Soul Eyes au ralenti, suspendu dans le vide, intimiste et désenchanté comme si l’âme de John Coltrane (pour qui Mal Waldron avait écrit cette magnifique composition dont J.C. a gravé LA version dans Coltrane ! ). Le comping s’anime et nous avons droit à un solo de trompette qui retrace les écarts possibles de la mélodie en évoquant d’autres. Les deux musiciens créent un bel équilibre en improvisant simultanément avec des emprunts nuancés au blues. La musique prend le temps d’être jouée, écoutée, ressassée, réitérée dans les détails. Cécile s’élance seule, éclairée ensuite par un superbe contre chant en piano de la trompette pour rejoindre un Pithécanthropus Erectus déconstruit ce qui donne lieu à une suite de calls and responses avant que le Pithécanthrope de Mingus se redresse avec de beaux décalages du jeu de ses deux mains sur le clavier. On évoque Monk par instants sans y prendre garde. Cela fait 13 minutes de bonheur. Pour clôturer une belle version introvertie de The Seagulls of Kristiansund que Mal avait immortalisé avec Steve Lacy, Manfred Schoof, Jimmy Woode (un bassiste d’Ellington) et Makaya Ntshoko (One Upmanship Enja 1977). Une fois délivré le thème et la belle improvisation de Jean-Luc , le piano en donne une vision très différente que celles millimétrées que Waldron réalisait en concert. Avec la reprise du trompettiste tout en douceur,  le vol de la mouette s’estompe vers le silence. Voici donc un beau travail de ré-incarnation du jazz historique sans aucun passéisme ni nostalgie. J’aimerais bien entendre le père Capozzo avec un Ran Blake, si c’est possible un jour.

J-M Van Schouwburg