Dès les premiers instants, le ton est donné : ce sera irruptif, tellurique et sombre.
La voix incroyablement ductile, multiple de Phil Minton. Les tremblements de terre à l'archet de Joëlle Léandre. Puis l'accalmie, relative. On s'étonne presque de retrouver le sifflement comme expression vocale, glissant vers les grognements, les raclements, les proto-discours, un pseudo chant, archaïque. Joëlle Léandre accompagne ces diverses embardées, les anticipe, les provoque, le plus souvent à l'archet, mais aussi en pinçant ses cordes et, bien évidemment au chant, montrant s'il en était besoin son talent dans un tel registre, avec des intonations de diva : un pur dialogue, au sommet.
Une voix dans le désert, ou dans la nuit, des sons étranges pour une phase toute en retenue, en touchers subtils, en esquisses d'halètement, les sons de l'archet et des cordes vocales des deux rebelles se faisant par instants indiscernables.
Et puis une esquisse de discours, qui se veut véhément, où bien des registres vocaux de Phil Minton sont invités. La diva revient, impressionnante, pour un opéra inconnu, lointain. Puis un poème, à la diction indistincte, d'une jeune femme fragile qui avance, vers où ?
Ainsi va "Si, lence" première pièce , la plus longue de l'album. Suivie de "is"et de "bluish"
Deux figures majeures de la musique improvisée font la fête l'un à l'autre, et nous invitent à une errance toute d'associations d'images, de télescopages, dont on se croyait incapables. Ils catalysent un talent dont on se croyait dépourvus. Ils font de nous des poètes pour ce rêve éveillé. D'où peut-être la référence à Tristan Tzara, dont un extrait de "L'homme approximatif" tient lieu de note de pochette.
Peut-être aussi, nos deux amis se sont-ils préalablement emparés de ce texte comme d'une partition en lettres, et de ces collisions ininterrompues d'images comme d'un tremplin à leur propre sensibilité ... avant de propulser la nôtre.
C'était lors d'un concert chez Hélène Aziza, au 19PaulFort.