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Jean-Marc Foussat Sylvain Guérineau extraits : Une belle volée |
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LA BELLE VIE
Quand la vie a finit de jouer
la mort remet tout en place
La vie s’amuse
la mort fait le ménage
peu importe la poussière qu’elle cache sous le tapis
Il y a tant de belles choses qu’elle oublie
JACQUES PRÉVERT
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Jean-Marc Foussat : Synti AKS-jouets & Sylvain Guérineau : ts-bcl
Fou Records / Les Allumés du Jazz
Date de sortie : 09/04/2023
Jean-Marc Foussat, lui aussi, est un illustre inconnu au sein du Dictionnaire du Jazz. Ingénieur du son ayant collecté un nombre incalculable de concerts, musicien-improvisateur trainant son antique synthétiseur AKS aux quatre coins de l’hexagone et, aujourd’hui, "directeur" de Fou Records, essentiel label quant au témoignage de la chose improvisée européenne, on explique mal son absence.
Ici, l’étrangeté de l’AKS (ne parlons surtout pas d’habillage sonique) sait parfaitement s’accorder avec les phrasés du saxophoniste. C’est encore plus évident quand Sylvain Guérineau souffle dans sa clarinette basse et que les deux instruments s’entichent de fréquences basses avant de s’entortiller et de se contorsionner puis d’arpenter de vastes et amples contrées. Maintenant, le saxophoniste étire la note tandis que le claviériste impose un leitmotiv obsédant aux multiples ramifications. Nullement troublé, solide comme un roc, Guérineau suit son chemin qui est celui d’un jazz pouvant s’acoquiner à toutes les sauces. Mais l’on parlera plutôt d’un banquet royal tant se multiplient et se croisent les effets, les textures, les intensités, les contraires, les connivences, les confidences. Et les émotions, tiens pardi !
Luc BOUQUET
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PS : cède Dictionnaire du Jazz. Excellent état. Très peu servi.
Rustiques Jean-Marc Foussat Sylvain Guérineau FOU Records FR-CD 49
https://fourecords.com/FR-CD49
Enregistré à la maison en novembre 2022 dans le Loiret, cette curieuse petite rivière régionale qui donne son nom au département dont le chef-lieu est Orléans, la ville où officia Albert Ayler, alors jeune milicien U.S. inconnu, voici un beau témoignage de dialogue entre deux incarnations distinctives du jazz libre et des musiques improvisées. D’une part un créateur de musique électronique « analogique », Jean-Marc Foussat crédité ici Synthi AKS, piano, jouets et voix et de l’autre un souffleur free au très beau timbre très inspiré par la tradition du jazz entre Coleman Hawkins, Don Byas et un sens mélodique issu de Coltrane, Sylvain Guérineau, lequel initie l’album avec Une Belle Volée à la clarinette basse alors que son instrument habituel est le saxophone ténor. Solidement campé chacun dans leurs univers musicaux respectifs très contrastés, les deux improvisateurs se complètent par la tangente et œuvrent de concert par la grâce de leur sensibilité. La technique d’enregistrement est de qualité supérieure tant pour le timbre majestueux du saxophone ténor de Guérineau que pour la dynamique et les timbres de l’électronique, que celle-ci vrombisse, murmure, scintille, glisse, grésille ou dérape en crissant. Musiques de moteurs discrets à tous les régimes, spécialement le registre intime pour ce bel enregistrement. Flottant comme sur un nuage de timbres électriques mouvants, soutenus dans un temps arythmique, la superbe sonorité de Sylvain Guérineau vibre, respire et hante la demeure avec ses improvisations mélodiques chaleureuses au départ d’une forme thématique sortie tout droit de la Great Black Music et du lexique commun des souffleurs afro-américains. Sa faconde se précise et s’enhardit au fil des six morceaux (aux alentours des 6 ou 7 minutes avec une pointe vers les onze minutes) jusqu’à ce que Jean – Marc Foussat tâte du piano bastringue en secouant les touches. Nombre de théoriciens de l’improvisation (souvent issus de conservatoires ou de cénacles musidéologiques un peu rigides) se gaussent de telles entreprises un tant soit peu (trop) hybrides. Mais l’écoute active et portée sur le plaisir de la découverte sans idées toutes faites d’un tel duo fait dire à nos sens et à notre imaginaire ô combien cette collaboration tient la route. Tout comme Derek Bailey avait en son temps enregistré en duo avec le clarinettiste de jazz contemporain Tony Coe – le mariage de la carpe et du lapin- , Sylvain et Jean-Marc démontrent par la pratique que l’improvisation libre ne répond à aucune définition, aucun présupposé, ou quelconque agenda, cahier de charges etc...et que le dialogue et une forme tangentielle d’interactivité se nourrissent non seulement de l’écoute mutuelle, mais surtout de l’imagination, du sensible et de l’imaginaire des musiciens et de leurs auditeurs. Une question d’ouverture.
Après que les quatre premiers morceaux aient défilé suavement ou avec une belle passion, le cinquième , Carpes et Grondins, s’affirme comme le moment orageux de l’album avant le retour de la précieuse clarinette basse dans l’Ange Dérangé, face aux bruissements étranges, pépiements d’une singulière ménagerie à-la-Foussat et une curieuse voix. Dans Carpes et Grondins, Guérineau évoque le drame et presse l’électronique décapante avec de subtils accents et intonations dramatiques où gronde une saine colère ou peut être l’angoisse des innocents face au délire, en déconnectant l’imbrication mélodique de son phrasé sans pour autant déraper. L’art du déséquilibre assumé. Cet album est aussi un des plus beaux exemples de la part sensible du travail de Jean-Marc Foussat.
Inclus dans la pochette , un poème de Jacques Prévert :
LA BELLE VIE
Quand la vie a fini de jouer
la mort remet tout en place
La vie s’amuse
la mort fait le ménage
peu importe la poussière qu’elle cache sous le tapis
Il y a tant de belles choses qu’elle oublie
JACQUES PRÉVERT
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JEAN-MARC FOUSSAT /SYLVAIN GUERINEAU
RUSTIQUES
FOU RECORDS, FR-CD 49 – 2023
En ce temps-là, le duo s'intitulait Aliquid et prenait le nom de Quod lorsque Jean-Marc
Foussat et Sylvain Guérineau invitaient un collègue à les rejoindre sur scène ou en studio.
Jean-Luc Cappozzo, Makoto Sato, Luc Bouquet, Nicolas Souchal, Fred Marty, Joe McPhee et
quelques autres se succédèrent ainsi à leurs côtés dans les sous-sols de l'Olympic Café ou
de l'Espace en Cours, chez Naxos ou Ackenbush, à La Guillotine ou à l'Atelier Tampon qui
n'était pas encore nomade. Quatorze années séparent l'album "Aliquid" paru en 2009 chez
Léo Records de ce "Rustiques" signé de leur nom par les deux compères, mais en dépit de
cette paternité assumée et d'un instrumentarium légèrement adapté - une clarinette basse
s'est adjointe au ténor, Jean-Marc a troqué son VCS3 contre un Synthi AKS et réintroduit le
piano dans sa panoplie de parfait claviériste - le duo exprime toujours l'évidence d'un
parfait alliage entre l'électronique et l'acoustique, le cuivre et les circuits intégrés.
La musique des deux hommes a toujours évoqué la bande-son d'un film imaginaire, mais
cet aspect s'est encore accentué avec le temps. Les machines, surtout, sont pleines à
craquer d'abstractions synthétiques et de sonorités concrètes aussitôt identifiables qui
aiguillent notre esprit vers des images successives pouvant tenir lieu de storyboard.
L'auditeur lui-même participe à la réalisation et son rêve éveillé peut s'égarer assez loin du
scénario original, mais tel est le jeu qu'il comporte heureusement sa part d'aléatoire. Ce
qui frappe d'abord à l'écoute de ce nouvel album, c'est le point auquel le duo maîtrise la
narration depuis l'élément déclencheur d'une quête plurielle et le déroulement d'une trame
émaillée de paliers et d'accidents divers jusqu'à la résolution positive ou désastreuse de
ses enjeux. Point de situation originelle ici ! le sax impose d'emblée l'âpreté d'un jazz aussi
tortueux qu'expressionniste, poursuivi par le rythme pressé des machines dont la
répétition systématique des formules engendre bientôt la valse dans l'espace de modules
géométriques. Ces formes, néanmoins, se délitent, s'étirent en une ligne dont les points
d'angle figurent les notes d'un stride imminent. Le souffleur enfourche ces basses
galopantes, pique des deux pour affoler encore le tempo jusqu'à l'inévitable chute qui
précipite l'explosion de tout schéma structurel. Dès lors, l'errance emporte le cuivre au
hasard de climats divagants, de ruisseaux chantants et de de vents synthétiques aux
résonances orientales, coincés dans les fichiers de musiques manga. C'est là qu'intervient
le piano acoustique, son lyrisme ouvert et sa puissance vibratoire dont Jean-Marc Foussat
use comme autrefois Dubuffet singeant Cecil Taylor dans sa brutalité. Jusqu'à ce qu'en
dépit des courbes moelleuses tracées par le ténor, l'implacable précision des machines
entraîne leur propre désagrégation et le cri de l'homme qui les conduisait.
En guise d'épilogue, de fin alternative et résolument positive, une clarinette basse
traversera l'épaisseur d'une jungle peuplée de grands singes et d'oiseaux mécaniques. Le
vent dans les feuilles accompagnera sa balade aux confins de la joie et d'une liberté
nouvelle foulant à grands pas l'horizon sans fin.
Joël Pagier