Jean-Marc Foussat Léo Remke-Rochard
extrait : Réflexion / Les extrémités d’un silence
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Ils sont bien trois à partager l’espace et le son mais seuls Jean-Marc Foussat et Léo Remke Rochard sont audibles dans ce disque, et pour cause : Stéphane Guillaumon danse. Cette trilogie n’a guère besoin de préambules : l’action immédiate est de mise et s’initie avec de fulgurantes improvisations contrastées. Ce sont des passages dynamiques qui propulsent les sons ancrés dans une électronique débridée. Les deux musiciens combattent les automatismes ; leurs télescopages n’ont qu’un but : anticiper les mouvances de Stéphane Guillaumon. Les instruments et les voix modulées enrichissent le trilogue, « Ses cheveux détachés » l’exprime pleinement.
Les sons en boucle se veulent déterminants afin d’alimenter le concept visuel, la créativité prodigieuse qui se perçoit dans « Les Extrémités d’un silence » et l’hypnotique « Collier d’étoiles » forme des interfaces féériques entre les hommes et les machines.
« Dans la peau des oranges » inscrit une urbanité quasi crépusculaire guidée par trois connexions humaines. Hautement musical, ce disque est à la fois électrisant et aguichant.
Mario Borroni
7 janvier 2024
citizenjazz
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JEAN-MARC FOUSSAT / LEO REMKE-ROCHARD
JOUENT POUR STEPHANE GUILLAUMON "QUI DANSE SANS FAIRE DE BRUIT"
FOU RECORDS, FR-CD 52 - 2023
On aimerait voir la danse ! Jean-Marc Foussat et Léo Remke-Rochard accompagnent sur
scène la performeuse Stéphane Guillaumon qui "danse sans faire de bruit" sa vision du
Butô. A l'intérieur du digipack, la photo extraite d'une vidéo réalisée par Jean Tinnirello est
aussi expressive que le poème de Mahmoud Darwich est mystérieux. De même, on
aimerait comprendre la violence contenue dans ces cris d'enfants et ces voix synthétisées
que les deux machinistes traitent en temps réel, savoir si les mouvements étirés ce 7
janvier 2023, au dojo de Villeurbanne, signifiaient une douleur aussi insoutenable que la
musique le laisse entendre… Mais le cd est désespérément acoustique !
Alors, on intériorise, on descend au fond de soi avec, dans sa musette, les sons et les
paroles, les ruptures mécaniques, les traits décisifs empruntés aux systèmes, la résonance
concrète des témoignages, le métal et la forge, le souffle incandescent, la sécheresse et le
vide aussitôt occupé. On glisse, soudain emporté par un flot de limaille, vers des terrils
noircis, craché par la gueule de hauts-fourneaux asphyxiés par leurs propres exhalaisons.
Des sirènes hurlantes, dont on ne sait encore si elles rythment la cadence d'un Enfer digne
de "Métropolis" ou annoncent le surgissement de bombardiers géants, zèbrent l'épaisseur
de nuits écarlates, suspendent le temps à leur durée même et meurent enfin dans des
spasmes sidérurgiques, à deux pas d'un silence qui ne se résout pas à naître de l'effort
consenti. Sous les convulsions mécaniques, on distingue soudain le corps de la danseuse
écartelé, déchiqueté, offert en sacrifice aux dieux industriels des richesses et de la guerre.
Le cauchemar a saisi la beauté dans son poing et broie le moindre espoir entre ses doigts
de suie.
Léo Remke-Rochard et Jean-Marc Foussat ne laissent aucune place au silence, à peine, de
temps à autre, un soupir résolu, un suspens tendu entre stridence et déferlante,
grondement sourd et pluie d'étoiles scintillant à la lumière artificielle. Leur indus est
baroque, à l'image, peut-être, des mouvements infinis de Stéphane Guillomon, postures
épinglées dans la lenteur de leurs déplacements, comme un soldat blessé qui n'en finit plus
de tomber. De cette tension alimentée par un duel permanent entre les deux systèmes, la
répétition impossible de schémas à vif et la tentation sous-jacente d'un rock métallique
nourri de pulsions guerrières ne cessent de nous hanter comme l'inévitable aboutissement
du voyage intérieur auquel on s'est soumis et dont il va pourtant bien falloir s'échapper.
Aussi quand on revient à soi, épuisé par ce raid en terres belliqueuses où la compassion
n'avait aucune place ni le repos la moindre perspective, on se surprend à chercher la
danseuse avec la crainte qu'elle n'ait été immolée sur le champ de bataille. Comment, en
effet, un corps mouvant dépourvu de carapace aurait-il pu échapper à ce maelström de fer
et de feu ? Puis, à mesure que s'impose le silence, on se souvient que le butô est né des
cendres d'Hiroshima et que, s'il a pu survivre à Tchernobyl, Fukushima et notre Monde tel
qu'il va, Stéphane Guillaumon a bien su résister à Léo Remke-Rochard et Jean-Marc
Foussat.
Joël Pagier