Didier Frébœuf Jean-Luc Petit
extrait :
|
_____________________________________
Comme une conversation où chacun aurait commencé par une simple articulation polie pour vite
en révéler l'impertinence, plongée scrutante vers les aspérités du saxophone, pendant que Didier Fréboeuf
construit l'étrange d’accords contemporains, Jean-Luc Petit interroge, élabore tous les possibles de son
ténor, sa suavité, son irritation, ses douceurs, ses tremblements, ses rondeurs. Le saxophoniste longe,
prolonge, perturbe, gronde le son, puis le dédouble, l'apprivoise, l'apaise, le fait cri ou plainte et Didier
dissipe les cordes de son piano pour converser encore et les amener au conciliabule. Petites notes frappées
ou soufflées comme des vibrations insolentes, ils se poussent l'un l'autre dans une accélération ludique.
Pas de concession, de l'invention constamment.
Jean-Luc prend sa clarinette contrebasse, Didier prépare son piano pour bloquer ce son qu’ils découpent
maintenant pour mieux l'iriser ensuite. Jean-Luc joue toutes les couleurs de l'instrument, camaïeux, noir
et blanc pour les oppositions. Ils se mettent tous deux à frisotter. Les accords de Didier, parcimonieux,
engagent Jean-Luc à une sobriété provisoire dont il extrait immédiatement quelqu’instabilités, d’abord
voluptueuses, puis ensorcelantes et finalement hystériques. Des râles chantants à la beauté obscure s'en
dégagent... En émergent un dernier souffle profond, grave, somptueux.
Sans trêve, tous deux en viennent aux piaillements, fantaisie galopante, dextérité intense. Les sons
volètent embarqués dans les accélérations folles où l'insatisfaction et l'exigence du plus encore servent de
moteur. Jean-Luc use de toutes les possibilités de son sopranino, le cerne, l'encercle, l'étouffe juste ce
qu'il faut pour qu'il danse encore comme ces cordes que Didier déguise.
Pour n'en pas finir, ce dernier envoie un souffle de claviett’harmonica, titillant alors un Jean-Luc qui,
retrouvant sa clarinette contrebasse, nous livre alors des sons mystérieux comme si nous devions traverser
ensemble, à pas lents, un sous-bois en pleine nuit, entourés d’un brouillard inquiétant…
S'il existe, que Dieu soit loué… Tout comme eux, nous en sortons vivants !
Anne Maurellet
_____________________________________