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Europe & Monde + Suivi = 17,00 €
France = 13,50 €
France + Suivi = 15,00 €

 

 

 

 

 





 

At the End of Last Century

Daunik Lazro : alto & baryton saxes
Paul Lovens :
drums, cymbals & gongs, musical saw
Annick Nozati :
voix
Fred Van Hove:
piano, accordion

 

extraits :

Facing the Facts
Consequences


 

 


Daunik Lazro Paul Lovens Annick Nozati Fred Van Hove
Résumé of a Century

FOU Records FR – CD 65

Fou a encore frappé. Jean-Marc Foussat a tellement proposé ses services bénévolement pour collecter toutes ces musiques improvisées libres dans ses moments les plus éclatés, déroutants et submergés d’émotions que sa litanie devient infinie ! Résumé of A Century (in Memoriam Annick et Fred). Les musiciens : le parcours du pianiste anversois Fred Van Hove est tellement particulier (et finalement peu connu des cognoscenti) qu’il semble être, à mon avis, un symbole d’ouverture, une qualité intrinsèque à ce « genre de pratique musicale. Vers le milieu des années 80, il entame une riche collaboration avec la chanteuse actrice « habitée » et force de la nature aussi improbable pour un tel « intellectuel » du piano, instrument dont il maîtrise toutes les couleurs possibles au-delà de l’entendement humain. Si Fred nous a quitté au crépuscule d’une vie intensément remplie, Annick Nozati, une personnalité peu commune nous a quitté trop tôt . Elle incarnait la violence des sentiments les plus entiers, une furie délirante capable de crier et de moduler sa voix de manière irrépressible, une vraie révolutionnaire au plus profond d’elle-même. Il y eut au plus fort de l’explosion improvisée libre, une sororité de vocalistes aussi audacieuses et créatives les unes que les autres (Julie, Maggie, Jeanne Lee, Dorothea, Tamia, Ute bien plus tard), mais elle était la plus furieuse, la plus improbable, la plus déraisonnable, la plus intensément populaire, la plus dingue, la « folie » scénique étant une qualité incontournable dans ce milieu des improvisateurs , dixit Van Hove et cie. Et cette capacité à murmurer, à mordre à éructer ou incarner un rapide instant de grandiloquence ou un filet de voix – mélopée suspendue dans l’espace Alors quand vous avez un Daunik Lazro et son sax alto halluciné , son baryton bourdonnant en boucles et son écoute attentive l’extraordinaire lutin des percussions libérées qu’était Paul Lovens, vous pouviez être certain que vous alliez être transporté dans un autre monde. Deux longues improvisations centrées sur la chanteuse (on lui doit bien ça) : Facing the Facts 29 :57 et Consequences 20 :58 avec des séquences à l’accordéon de Fred pour fluidifier le flux et ouvrir les débats. On est en 1999 comme pour clôturer le siècle qui vit se développer cette utopie musicale. Impossible de définir cette musique en constante mutation faite de riens, d’idées lumineuses, de moments d’attente et d’écoute, d’embardées, de cris et de méditations. La baryton mordant et borborygmique de Daunik, la scie musicale sifflante de Paul, la voix irréelle d’Annick au bord du silence ou ses appels répétés, ses chamailleries exacerbées…les perles de Fred… tous ces échanges. les cataclysmes retenus et contrôlés aux percussions… Des portions inespérées de recherches, de trouvailles, de métamorphoses qui se concrétisent en se concentrant dans la deuxième partie, assez étonnante où le groupe fait corps l’une et l’un à l’autre et tous ensemble de manière joyeusement ou dramatiquement anarchique. Merci, Jean-Marc d’avoir exhumé ces instants essentiels qui échappent à l’échelle des valeurs esthétiques parce qu’ils incarnent le sens de la vraie vie.

J-M. Van Schouwburg

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November 4, 2024

Resumé of a Century
FOU-CD 65

Both an inspirational example of outstanding European free music and a discouraging reminder of human mortality is this resumé from 1999. Well balanced, and constantly full of surprises the two improvisations here put in boldest relief the complied sonic skills of alto/baritone saxophonist Daunik Lazro and vocalist Annick Nozati from France, Belgian piano/accordionist Fred Van Hove and German Paul Lovens playing drums, cymbals, gongs and musical saw. Since that turn of century highpoint though Nozati (1945-2000) and Van Hove (1937-2022) have died, while Lovens, 76 and Lazro, 79 are both reportedly ailing.

A quarter century ago however hard-driving piano patterning and subtle percussion clinks and clanks created the setting upon which the saxophonist could confidentially unleash his split tones and growls and the vocalist was given full rein for experimentation. A force unto herself  – though some may link Nozati’s tessitura to that of Joëlle Léandre, a frequent collaborator – amidst Van Hove’s darker key rolls and Lazro’s squeak and doits she constantly unleashes unique patterning vocalese. Swooping from pseudo-operatic lyricism and gentle sighs to yodels, nasal blaring, clenched teeth gurgles, Bedlam-like cries and grumbling near curses, she creates fractured story telling, projecting different persona at every turn. Alongside her, Van Hove’s careful pianism gives way to distinct keyboard vibrating accompaniment.

The consequences of enhanced intensity are demonstrated on the concluding “Consequences”  as Van Hove’s inner piano string strums and Lazro’s reed-biting slurs and stops become more powerful yet remain near-lyrical, a perfect match for Nozati’s deep-voiced disclaiming, Ending with mocking laughs that turn to scatting, her verbalization is underlined by cymbal clangs, altissimo reed screams and keyboard pummeling. The climax reached concentrates the quartet members’ individual expression to blanket all available aural space before suddenly ending.

Overall Resumé of a Century celebrates what once was commonplace in intense free music with only a slight nod to the nostalgic sadness the situation engenders.

Ken Waxman

Track Listing: 1. Facing the Facts 2. Consequences
Personnel: Daunik Lazro (alto and baritone saxophones); Fred Van Hove (piano and accordion); Paul Lovens (drums, cymbals, gongs and musical saw) and Annick Nozati (voice)

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DAUNIK LAZRO, PAUL LOVENS, ANNICK NOZATI & FRED VAN HOVE
Résumé of a Century

Daunik Lazro (saxophones alto & baryton), Paul Lovens (batterie, cymbales & gongs), Annick Nozati (voix), Fred Van Hove (piano & accordéon)
Vandœuvre-lès-Nancy, 21 avril 1999

Fou Records FR-CD 65
https://fourecords.com/FR-CD65.htm

À nouveau au festival ‘Musique Action’, cinq ans plus tard, Annick Nozati & Daunik Lazro dialoguent avec Fred Van Hove et Paul Lovens, compagnons de route des musiques, aussi improvisées qu’extrêmes, de cette grande époque. L’effervescence se fait folie, les balustrades du possible sont une fois encore franchies, et au-delà du dicible. La liberté franchit encore de nouveaux confins, pour le bonheur de l’auditeur imprudent que je suis. Ce concert édité sur disque est l’exact reflet d’une aventure musicale, surgie voici des décennies, et qui par bonheur ne s’est pas éteintes. Extraits en suivant le lien ci-dessus : bon voyage dans le Jardin des délices ! On dit souvent que ces musiques s’écoutent mieux in vivo et in situ : fermez les yeux, vous êtes au Centre Culturel André Malraux de Vandœuvre-lès-Nancy, dans les années 90….

Xavier Prévost

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Lazro - Lovens - Nozati - Van Hove
Résumé of a Century
Daunik Lazro (as, bs), Paul Lovens (dm, gongs), Annick Nozati (voc), Fred Van Hove (p, acc).
Label / Distribution : FOU Records FR-CD 65

Deux des protagonistes de Résumé of a Century ont disparu : Annick Nozati le 2 juillet 2000 et, plus récemment, Fred Van Hove le 13 janvier 2022. Cet album est dédié à leur mémoire. Raison de plus pour se plonger dans les archives de ces deux immenses artistes et de visionner leurs interviews toujours pertinentes. En compagnie de Daunik Lazro et Paul Lovens, ces musicien·nes parcourent une multitude d’abstractions sonores.

Deux longues pièces musicales sont enregistrées par François Dietz le 21 avril 1999 au festival Musique Action de Vandœuvre-lès-Nancy fondé par le regretté Dominique Répécaud. Plus qu’un album fondamental, c’est le témoignage d’une époque pas si lointaine où l’expérimentation et la notion de collectif avançaient en chœur.
« Facing The Facts »
défriche des terres vierges, Annick Nozati y sublime le chant inventif. Instigatrice de partages, elle est rejointe par Daunik Lazro qui impose une radicalité audacieuse. Le souffle brumeux de l’accordéon de Fred Van Hove donne naissance à de nombreux climats, riches d’une diversité formelle.
« Consequences » alterne des passages débridés où Paul Lovens avance toujours méthodiquement, chaque geste de sa part est soupesé. Les clusters du piano conduisent le quartet à s’enraciner dans une forme de dramaturgie.

Novateur, Résumé of a Century ne néglige pas pour autant la redécouverte des savoirs anciens, les découpages séquentiels y accompagnent une alternance de dialogues multidimensionnels. Fou Records produit là un album incontournable qui célèbre les musiques improvisées

par Mario Borroni /Citizen Jazz/ Publié le 19 janvier 2025

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Résumé of a Century

Annick Nozati, Daunik Lazro, Fred Van Hove, Paul Lovens
Annick Nozati (voc), Daunik Lazro (as, bs), Fred Van Hove (p), Paul Lovens (dr)

Fou Records / Les Allumés du jazz
Date de sortie: 04/11/2024

Il ne faut que quelques lignes fuyantes, semées à la volée au piano et quelques cliquetis de batterie pour que sax et voix les rejoignent : deux axes, une seule histoire. À corps perdus. Traits barbelés, giclées hérissées chariant mots et onomatopées en un théâtre sans limites dès qu’apparaît Nozati. Lazro prolonge étonamment le moindre de ses accents au point que le passage est parfois insensible du palais de l’une au pavillon de l’autre. En effet, c’est d’une chasse autrement aristocratique qu’il s’agit, dans laquelle est enrôlé un large éventail de traditions pour leur faire dire exactement le contraire de ce pour quoi elles ont été conçues : canaliser les énergies dans la répétition. Ici, si rituel il y a, il est sauvage, à la recherche d’un point de non retour pour laquelle les ressources de chacun sont requises, en formation de meute ; et si chasse il y a, elle n’est pas spirituelle. Le cri, le chant, la plainte, la rêverie abandonnée, la psalmodie, la caresse ou la giffle, les coups, feutrés ou secs, tout est permis et son contraire viendra, à son heure. Virages, embardées, courses de ligne droite, de haie, mais aussi pause sur un haut plateau dégagé d’où l’on peut contempler les effets de la tempête, parler, rire même, se livrer à des jeux de petite fille imitant la sorcière – à moins que ce ne soit l’inverse. Car justement les moments de bascule abondent : comme un vent sournois qui levant le coin d’une page laisse entrevoir son verso.

Facing the facts, c’est ainsi que nous l’entendons : « Tout Christ [cache] un énergumène en érection1 » : une batterie peut être de cuisine, un piano à bretelles. La cérémonie et le sabbat sont une seule célébration. Voilà pour les faits. Contrairement au cliché tenace qui voudrait que soit dévalée la pente de la déréliction, c’est le sabbat qui s’achève en douceurs presque angéliques. Elles en sont le refoulé, ici mis au jour.

Conséquences. Tout en allant droit devant, on semble refaire le chemin inverse, du calme séraphique – puisque on y est – de ce repos au sommet au retour vers les dévastations qui ont jetée cul par-dessus tête ces lambeaux de culture. Arrachés à leur tuf, ils présentent sur le bord de leurs déchirures de flamboyants reflets. On s’y coupe. Le sang jaillit. De nouveau sous la pluie des bombes, il faut courir.

Enregistrée en avril 1999 au festival Musique Action de Vandoeuvre-les-Nancy, cette musique nous parle hélas de notre présent2, en ce moment convulsif de l’histoire où ses intestins se tordent douloureusement. « De quoi sont faits les plis du temps ? » Dans le film d’Alain Tanner, Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000, Jacques Denis administre une leçon d’épistémologie de l’histoire aux dépens d’un boudin. Du sang de cochon dans un intestin de cochon : c’est cela l’Histoire, non encore découpée par les savants positivistes.3 Après avoir expliqué ce qu’en a fait le capitalisme – l’autoroute rectiligne du progrès –, il explique sa peur du retour des exploités (les « cultures inférieures » qu’il a saignées à blanc). Cette peur, ce retour du refoulé, ce temps de cochon, c’est ce que nous entendons dans ce qui n’a pas été nommé pour rien Résumé of a Century.

Philippe Alen

1Jean-Marie Pontévia, La peinture, masque et miroir, Ecrits sur l’art, I., p.143. Stuart Broomer dans ses notes de pochette, pour figurer le « disparate » qui compose cet ensemble, évoque un Christ de James Ensor.

2Stuart Broomer, l’auteur des notes de pochette, a lui aussi été saisi par la brûlante actualité de cette performance.

3On ne peut que penser à la leçon d’Histoire dispensée par Jacques Denis devant ses élèves hilares puis médusés dans le film d’Alain Tanner, Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000. Cet extrait est accessible sur YouTube : urlr.me/gG5dPk

 

It only takes a few fleeting lines, scattered on the fly on the piano and a few drum clicks for the sax and vocals to join them: two axes, a single story. With body and soul. Barbed features, spiky spurts carrying words and onomatopoeia in a theatre without limits as soon as Nozati appears. Lazro surprisingly prolongs the slightest of his accents to the point that the passage is sometimes imperceptible from the palace of one to the pavilion of the other. Indeed, it is a rather aristocratic form of hunting, in which a wide range of traditions are enlisted to make them say exactly the opposite of what they were designed for: channelling energies into repetition. Here, if there is ritual, it is wild, in search of a point of no return for which the resources of each individual are required, in the formation of a pack; and if there is hunting, it is not spiritual. The cry, the chant, the lament, the abandoned reverie, the psalmody, the caress or the slap, the blows, muffled or sharp, everything is allowed and its opposite will come, in due course. Turns, swerves, races in a straight line, over hurdles, but also a break on a high, open plateau from where you can contemplate the effects of the storm, talk, even laugh, indulge in little girl games imitating the witch - unless it's the other way round. Because precisely there are many moments of change: like a sneaky wind that lifts the corner of a page to reveal its back.

Facing the facts, that's how we see it: "Every Christ [hides] an erect madman*": a drum kit can be a kitchen, a piano a pair of braces. The ceremony and the sabbath are one and the same celebration. So much for the facts. Contrary to the persistent cliché that they descend the slope of abandonment, it is the sabbath that ends in almost angelic gentleness. They are the repressed, here brought to light.

Consequences. While going straight ahead, one seems to retrace one's steps, from seraphic calm - while one is at it - from this rest at the summit to the return to the devastation that has thrown these shreds of culture head over heels. Torn from their tuff, they present flamboyant reflections on the edge of their tears. One cuts oneself on them. Blood spurts out. Once again under the rain of bombs, you have to run.

Recorded in April 1999 at the Musique Action festival in Vandoeuvre-les-Nancy, this music unfortunately speaks to us of our present**, in this convulsive moment in history when its intestines are twisting painfully. "What are the folds of time made of?" In Alain Tanner's film, Jonas, who will be 25 in the year 2000, Jacques Denis gives a lesson in the epistemology of history at the expense of a sausage. Pig's blood in a pig's intestine: that's history, not yet cut up by positivist scholars.*** After explaining what capitalism has done to it - the straight highway of progress - he explains his fear of the return of the exploited (the "inferior cultures" he has bled dry). This fear, this return of the repressed, this time of the pig, is what we hear in what has not been named for nothing, Summary of a Century.

Philippe Alen (translation by Janette Parr)

 

*Jean-Marie Pontévia, La peinture, masque et miroir, Ecrits sur l'art, I., p.143. Stuart Broomer, in his sleeve notes, to depict the "disparate" that makes up this ensemble, evokes a Christ by James Ensor.

**Stuart Broomer, the author of the sleeve notes, was also gripped by the burning topicality of this performance.

***One cannot help but think of the history lesson given by Jacques Denis to his students, first hilarious and then stunned, in Alain Tanner's film, Jonas, which will be 25 years old in 2000. This extract is available on YouTube: urlr.me/gG5dPk

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ANNICK NOZATI

Et soudain, faisant
différence, il y a des artistes. Annick Nozati est placée en couverture du premier numéro (1983) de la revue Jazz Ensuite — avant que Jazz Magazine ne fasse pareil avec sa camarade Joëlle Léandre (1984). On aime croire que la seconde était une réponse au défi de la première. Que les deux couvertures répondaient au défi de cette différence si neuve.
Pour qui n'a pas connu le théâtre Dunois et l'émergence d'une scène musicale qui se moquait de ses affiliations pour pouvoir toutes les revendiquer (jazz, free jazz, musiques improvisées, chanson, punk, rock, contemporain), Annick Nozati est une énigme. Les disques sont peu réédités et peu nombreux — beaucoup d'apparitions chez nato, un premier disque au label de Didier Levallet et Corinne Leonet, ln and Out. Certains encore accessibles sont très beaux (La peau des Anges,chez Vand'Œuvre) mais on nous a dit qu'ils ne permettaient qu'en partie de saisir ce qui constituait la différence d'Annick Nozati. L'énigme devient mystère dont le fin mot est aussi entre les disques.
Les années 80 furent celle de ta normalisation : le jazz pouvait enfin être français, national et confortable, et les carrières suivre leur cours. Dans les plis du normal, survivaient des différences incandescentes. Ça commence, l'ennui ferme, alors surgit celle qui  hurle la nécessité de faire autrement. Les témoins  de  ces  années  80  racontent des scènes que la présence  d'Annick  Nozati  suspendaient aux cœurs à nouveau ivres de lendemains, des musiques délivrées de leur obligation  à  n'être qu'elles-mêmes,  hors de vie, des cris et des  rires  aptes  à faire  trembler  un  peu les monstres du normal. Il n'est pas évident de restituer le surgissement d'une différence dont on n'a connu que !a longue traîne d'histoire, ses plis discrets.
Fou Records exhume un enregistrement de 1999, où Annick Nozati est accompagnée de Daunik Lazro, Paul Lovens et Fred Van Hove — compagnons de longue date. Résumé of a Century est enregistré au festival Musique Action (Vandœuvre-les-Nancy), fondé par Dominique Répécaud, tout comme Sept fables sur l'invisible, duo inédit de Nozati et Lazro de 1994 que publie simultanément Mazeto Square. Drôle de coïncidence, où deux disques suscitent un souvenir puissant. Si puissant qu'il nous possède sans l'avoir vécu ? En 2000, Annick Nozati meurt à 55 ans. Depuis, on l'évoque de moins en moins, alors que ce qu'elle continue de chanter travaille beaucoup de sons d'aujourd'hui.

Brusquement, des proximités se chantent.
L’attachement pour Annick Nozati ressenti par Daunik Lazro et le producteur Jean-Marc Foussat traverse le disque et fiche la musique dans une histoire d'amitiés. Tout un peuple derrière cette musique, et si le peuple n'est  pas si grand, il permet à la musique de se projeter loin. L’opéra, l'hymne, rien du tout, tout du rien, tohu-bohu et promesses émues. Chanteuse anarchique, elle ne présuppose rien et réinstaure continuellement l'écoute — celles des musiciens qui l'accompagnent comme celle de l'auditeur. Le haut est  réversible au bas, le drôle devient avers du sérieux, alors écouter, c'est bien sûr chercher à travers  la musique les impossibilités qu'elle débaptise.
Résumé of a Century est un disque important parce qu'il révèle dans les plis monstrueux de normalisation d'aujourd'hui les traces réelles d'une histoire des différences qui nous sont proches.
Annick Nozati a encore tant à chanter pour nous empêcher de dormir tranquilles. « Jusqu'à la fin du monde. Il ne faut pas dormir  pendant ce temps­ là. » (Pascal)

Pierre Tenne, Libre La Page in Jazz News (mars avril 25)

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